Mon expérience sur twitter, par Mathias

Mathias est professeur des écoles, il a récemment découvert le petit groupe des profs trolls anti-pédago et sa patience extrême pour discuter calmement avec eux m’impressionne. Voici son témoignage.

Au début j’utilisais Twitter pour m’informer et partager des articles, pas plus. Tout s’est emballé quand j’ai vu passer dans une discussion que la philosophie pour les enfants ne serait qu’ «un bric-à-brac intello». J’ai commencé à m’intéresser à ce compte pour voir de quelle idéologie il se réclamait. En creusant ses arguments je me suis aperçu qu’une vision rigoriste de l’instruction était derrière : l’enfant a un défaut d’instruction, d’expérience et de maturité, donc il ne peut pas faire de philosophie ! Tous mes principes d’éducation nouvelle et populaire se sont réveillés. J’ai commencé à jeter un œil aux fils de discussion où pouvaient apparaître ces visions via les comptes amis de ce profil. J’y découvrais des visions de l’éducation essentiellement disciplinaires, individualistes et des conversations à la limite du bar PMU et du «tout va mal».

J’ai commencé à y répondre, à provoquer gentiment. Les comptes répondaient et je m’en amusais. Puis sont arrivés les comptes anonymes en lien avec cette nébuleuse : des renards, des chats, des faucons… Je continuais à les pousser dans leur vision rigoriste sans jamais rentrer dans leurs jeux d’insultes (j’ai dû me laisser tranquillement traiter d’idiot, de sac à merde, de con, de parasite, de nuisible, de gogol…). Les conversations devenaient des tempêtes de notifications, de plus en plus de monde likait leurs parades et ils s’auto-glorifiaient de démasquer ce qu’ils appelaient des délires de pédagogos, pouffaient devant la moindre erreur d’orthographe ou de frappe qui est pour eux l’argument ultime d’une incapacité à participer à la discussion. Un jour, un des rigoristes a posté une attaque contre un formateur qui utiliserait un dico de pédagogie, naïf et provocateur je demande des renseignements… Quelle erreur de ma part… Le rigoriste se lance dans une série de plus de 150 messages. Il a passé son après-midi et sa soirée à tenter de m’éduquer… Je me marre. Dès lors, je remarque une constante : celle d’afficher les gens, chez les rigoristes on passe plus de temps à dénigrer ceux qui font le même métier qu’à proposer des situations didactiques ou pédagogiques. Leurs comptes n’existent que pour nuire et s’auto-glorifier de leurs trouvailles.

Derrière leur idéologie : la magie du maître tout puissant, du maître qui contrôle les élèves par le regard, l’enseignement qui va de soi, sans réfléchir, sans hésiter, inconsciemment… Avec toutes ces vieilles valeurs, je continuais à prendre plaisir à les provoquer.

Et puis est arrivé un compte parodique se moquant d’eux : @leprofquirâle ! Ce compte rediffuse leurs tweets avec un commentaire descriptif et non insultant commençant par “le prof qui râle…”. Ah mon sauveur… le jeu de mettre en miroir leurs contradictions est tellement fort, tellement intense que tous ont protesté, il a créé le malaise parmi les rigoristes. Du grand art. Du trollage de trolls.

En lisant les rigoristes, j’ai découvert des gens qui pensent comme moi, qui ont subi ces attaques, qui partagent les mêmes valeurs, du moins celle de ne pas humilier à tout vent. Je pense que nous devons être conscient du malaise chez certains qui pratiquent un acharnement sur des boucs émissaires. Cela devient leur raison de vivre. Leur haine profonde est renforcée par le pouvoir d’auto-glorification d’un groupe les confortant dans leur mal-être. Une personne qui tweete plusieurs fois par jour sur son compte des attaques envers une même personne pour faire rire et se glorifier est une personne qui souffre d’un manque de reconnaissance.

Retrouvez ce témoignage (page 100) et d’autres dans le manuel d’auto-défense #DompterLesTrolls