Pierre a une famille presque comme les autres, qui ne plait pas aux trolls

Pierre est un homme marié à un homme qui élève en couple trois filles. Son compte Twitter @maviedepapagay ressemble à tous les comptes de parents qui partagent leur quotidien avec de jeunes enfants entre anecdotes et questions d’éducation, il serait “banal” s’il ne s’agissait pas d’une famille homoparentale…

Je me suis inscrit sur twitter dans le but de montrer que l’on peut être gay, en couple, et avoir des enfants. J’essaye de montrer une image positive de la gestation pour autrui et de rendre visible nos familles en banalisant notre situation. Je raconte des anecdotes de mon quotidien, discute avec d’autres parents et échange avec des personnes souhaitant avoir des informations sur la GPA. Je poste aussi des photos…

Cela bien sûr, ne plait pas à tout le monde. Mon histoire fait partie des sujets “sensibles” sur la toile.
Quasiment quotidiennement je suis confronté aux fameux “trolls”.
Il y en a plusieurs sortes : Ceux qui m’insultent directement et puis ceux convaincus de détenir “la vérité” : par exemple “Dieu n’a pas créé Adam et Steve mais Adam et Ève” en se basant sur la religion ou des poncifs entendus maintes fois lors des débats pour l’ouverture du mariage pour tous. Il arrive aussi qu’un troll en ameute d’autres en citant mon tweet et c’est là que c’est le plus “dangereux”. Gérer un troll est plus facile que d’en gérer 10 en même temps.

Au tout début de mon inscription sur Twitter, quand j’avais peu de “followers” bien sûr cela me blessait de recevoir des insultes. À certaines périodes je comptais plus de trolls que de soutiens. Finalement, avec le temps, mon nombre de soutiens a augmenté, et après avoir compris que je devais continuer à tweeter pour une cause qui me tient à cœur j’ai réussi à passer outre les tweets agressifs et parfois même à en rire.

Ce qui m’a donné envie de continuer ce sont les nombreux témoignages d’affection reçus en message privé (dits DM, Directs Messages) de personnes qui me félicitent pour ma famille, pour l’image que je renvoie et celles à qui j’ai pu donner des conseils utiles. Plus motivant encore, des personnes ont admis avoir changé d’avis au sujet de la GPA et de l’homoparentalité grâce à mon témoignage, ma visibilité et ma façon d’expliquer les choses.
Cependant je ne poste rien qui compromettrait ma vie privée. Pas de photo de mes enfants à visage découvert, pas de prénoms, pas d’information sur mon lieu de vie…
Lorsque plusieurs personnes d’un coup viennent m’insulter de façon basique ou homophobe, c’est assez facile pour moi de simplement les bloquer et donc de « gagner du temps ».

Cependant lorsqu’un seul un troll vient me juger en faisant mine de vouloir discuter, la tentation de répondre est bien plus grande. Cela dépend de mon humeur et de la personne. Il m’arrive parfois de citer son tweet et de laisser mes abonnés s’en charger, ou de répondre en espérant donner une autre image, mais c’est rare. Il faut bien faire la différence entre les trolls et les personnes ayant d’autres idées mais prêtes à réellement écouter les arguments pour éventuellement changer d’avis.
Il m’arrive aussi de tourner en dérision leur propos en soulevant leurs absurdités. Parfois je leur réponds avec un GIF de couple homo qui s’embrasse.
Quand les messages sont très violents je ne réponds pas et en les citant, je demande à ma “TL” (Time Line, c’est-à-dire ceux qui me suivent) de signaler le compte, bien souvent il arrive qu’en plus de signaler, les abonnés répondent et les trollent à leur tour.

Quand j’ai fièrement annoncé la naissance de ma dernière fille sur Twitter, je suis rentré dans une sorte de spirale de tweets avec une avalanche de trolls. Certains ont copié mon tweet et mis une légende à vomir. J’ai reçu des menaces de mort. Tout ça, simplement parce que j’annonçais la naissance de ma fille.

Bien sûr j’ai signalé les tweets, mais Twitter a mis du temps à réagir, et certaines subtilités des messages font qu’ils ne sont pas estimés comme “inappropriés”.
À ce moment-là, j’ai mis mon compte en privé et signalé/bloqué tous les comptes agressifs ou malveillants. Ma “TL” s’est chargée aussi d’en signaler.
Ce moment de bonheur dans ma “vraie vie” aurait pu être gâché par ces trolls. Heureusement j’ai appris à prendre du recul sur la vie en ligne. Comme si j’étais deux personnes distinctes. Il y a Pierre et il y a @maviedepapagay.

Aujourd’hui je reste sur ma ligne, je sais pourquoi je me suis inscrit sur ce réseau, j’essaye de répondre au maximum aux personnes bienveillantes, et ignore/bloque/signale les malveillants qui essayent de m’atteindre.
Finalement, je les imagine très seul.e.s derrière leur écran, pleins de haine face à ce bonheur auquel ils ne peuvent peut être pas accéder, préférant le détester plutôt que le partager ou l’ignorer.
Pour avoir envie de me troller il faut quand même venir me chercher, s’ils viennent chercher un compte d’un papa gay, on peut en supposer qu’en eux se cache quelque chose qu’ils rejettent par peur de l’aimer…

Vous pouvez aussi retrouver Pierre sur Instagram MaVieDePapaGay et découvrir son blog « Ma vie de papa gay »

Retrouvez ce témoignage (page 51) et d’autres dans le manuel d’auto-défense #DompterLesTrolls