Nous ne nous tairons pas ! 

Le samedi 18 juin, suite à la parution dans le Huffington Post d’un article sur Périscope dans lequel je fais partie des interviewés, le hashtag #TaGueule2Vanssay (suivre le lien ou voir les tweets réunis sous ce billet) a été lancé et repris avec un certain succès sur Twitter.

Ce billet, volontairement différé pour être écrit à froid, est une réponse à l’expression de cette volonté de me faire taire.

Je n’ai pas l’intention de me justifier sur cette interview, j’assume totalement ce que j’y ai dit, j’aurais par contre pu expliquer certains éléments de contexte si je n’avais été contrainte de me taire, provisoirement, devant le flot d’insultes qui s’est déversé suite à la publication de l’article. Mais même en l’absence des éléments qui suivent, rien ne légitime la violence des attaques et des procès d’intention qui m’ont été faits.

J’ai, dans cette interview partiellement reprise dans l’article, parlé uniquement de ce que j’ai pu constater par moi-même. J’avais observé les jours précédents une dizaine de vidéos Périscope faites en direct par des élèves pendant des cours. Ce que j’y ai vu ce sont des élèves qui se filment eux-mêmes (le plus souvent celui à qui appartient le smartphone et son voisin de classe) et je n’ai vu aucun prof (parfois on l’entendait vaguement au loin). Les élèves filmés échangeaient avec leurs “visionneurs” sur le mode “lancez-nous des défis” mais même si j’ai vu passer des messages du type “vas-y insulte la prof” les élèves n’obtempéraient pas, s’agitaient vaguement et l’ensemble était, oui, plutôt potache. Je n’ai parlé que de ce que j’avais vu par moi-même, cela n’est hélas pas indiqué dans l’article, j’ai pourtant précisé au journaliste à chacune de mes réponses “pour ce que j’en ai vu”. Je n’ai jamais prétendu évidemment qu’il n’existait aucun usage plus violent. Par ailleurs, nous n’avons eu au syndicat aucune remontée d’un “phénomène Périscope” massif ou problématique, ce qui tend à montrer, comme le dit d’ailleurs le chef d’établissement dans l’article, que les incidents sont gérés sans problème particulier par les équipes. Par contre il y a eu plusieurs articles sur le sujet, j’ai d’ailleurs dit au journaliste que cela me semblait une mauvaise idée d’insister sur un “phénomène” qui, s’il en est peut-être un, ne semble ni massif ni particulièrement ingérable. C’est d’ailleurs pour cela que je n’avais pas, avant ce billet, diffusé le lien de cet article ; non pas parce que je n’assumerais pas ce que j’y dis mais parce que, même si je m’y exprime, j’estime que ce type d’article polémique fait plus de mal que de bien en attisant peurs et fantasmes en tous genres.

C’est d’ailleurs bien là-dessus que se sont appuyés mes détracteurs pour déformer ce que j’avais dit, surinterpréter en creux ce que je n’avais pas dit et me présenter comme une irresponsable prônant le droit absolu des élèves à filmer leurs profs en cours et à les harceler en faisant fi de leur droit à l’image ! Utiliser ce levier émotionnel, et la crainte qu’a tout prof de perdre le contrôle de sa classe, est idéal. En effet, quand on a peur on n’est pas en état de réfléchir ou de raisonner, la peur paralyse la logique et déclenche des réflexes automatiques destinés à se rassurer à tout prix, l’un d’eux étant l’attaque. De nombreuses personnes, dont des collègues enseignants, n’ont même pas pris la peine de lire l’article, ou l’ont lu à charge en épousant par avance les surinterprétations douteuses plus ou moins habilement suggérées par d’autres. J’ai ainsi reçu plus de 500 tweets d’insultes de plus de 200 personnes différentes, un vrai succès !

Je ne rentrerai pas ici dans le détails des griefs des uns et des autres qui sont parfois syndicaux, ou dus à des différences de vision du rôle d’éducateur et à bien d’autres choses… Néanmoins, chaque professeur qui a contribué à #TaGueule2Vanssay, soit en l’utilisant, soit en m’insultant par ailleurs, soit en incitant d’autres à le faire tout en jouant “les oies blanches” a lui-même terni sa propre image mais aussi celle de la profession dans son ensemble. J’ai répondu à des dizaines de messages de parents effarés que des profs, comme ceux qui ont leurs enfants en cours, puissent s’insulter ainsi en public sur un réseau social. J’ai répondu patiemment à chacun d’eux précisant qu’il s’agit heureusement d’une très petite minorité d’enseignants. Mais oui, néanmoins, cela est préoccupant et rejaillit, qu’on le veuille ou non, sur l’ensemble de notre profession.

Qu’on me permette ici de refuser de plaindre ceux qui se sentent insultés à tout bout de champ -je suis responsable de ce que je dis, pas de ce que certains croient y lire- de rejeter ceux qui tordent, mentent, prétendent dénoncer des propos inacceptables qu’ils construisent de toutes pièces pour justifier l’insulte, la diffamation et jeter le discrédit sur ceux qui ne sont pas d’accord avec eux. Je n’ai pas l’intention de me laisser impressionner !

Certains ont osé me dire se sentir légitimement autorisés à m’insulter et à me diffamer publiquement parce que je “l’avais bien cherché quand même !” Il n’y a objectivement aucune insulte dans mon interview, même si je conçois tout à fait que l’on puisse être en désaccord avec ce que j’y dis… D’ailleurs, m’insulter c’était aussi clairement empêcher tout débat sur le fond.

Comment répondre au “Ta gueule” ? En l’ouvrant !

Pourquoi le titre de ce billet est “Nous ne nous tairons pas !” ? Parce que je ne suis pas la seule à avoir subi cela ni à être concernée par ce “Ta gueule”, même si cette fois-ci il m’était bien personnellement adressé…

Ce qui est détestable pour ces haters c’est que de très nombreux enseignants ne soient pas d’accord avec eux, que nos idées et nos valeurs soient de plus en plus à l’oeuvre sur le terrain (les classes coopératives et sans notes, le travail et l’évaluation par compétences, le développement des compétences psychosociales, la croyance forte que chaque élève est capable de réussir…), que le numérique en général et Twitter en particulier nous permettent de partager et diffuser nos pratiques professionnelles et notre enthousiasme, que tout cela perturbe les convictions et les habitudes de ceux qui ne veulent surtout rien changer. Ces haters n’arrivent pas à supporter que des collègues ne s’enferment pas comme eux dans la déploration systématique et la critique stérile. Ne nous y trompons pas, ils ont pour objectif de nous faire taire, à nous de ne pas nous laisser faire !

Si hélas leurs intimidations, à coup de “moqueries” plus ou moins acerbes et malveillantes -quand ce ne sont pas carrément des insultes- peuvent parfois décourager un collègue de parler de ce qu’il fait avec ses élèves, ils ne peuvent arrêter ce qui est à l’oeuvre dans nos classes et nos établissements, et c’est sans doute cela qui les fâche si fort et les pousse à tant d’agressivité. Les haters ont peur, se sentent insécurisés et bousculés dans leurs valeurs certes, mais partager nos essais, nos découvertes et nos réussites ce n’est pas les agresser ou les remettre en cause, c’est seulement exercer notre légitime droit à l’expression publique.

Ignorons-les, n’hésitons pas à saisir chaque occasion de diffuser, de raconter, de montrer ce qui se fait et de donner ainsi envie à d’autres collègues d’améliorer ensemble nos pratiques professionnelles.

Alors, je suis désolée pour les haters mais je vais continuer à ouvrir ma gueule, et je vous invite tous à en faire de même !

OUVRONS-LA !

Cet article rédigé depuis plusieurs jours était prévu pour une publication aujourd’hui. Devant un nouvel “incident” (et c’est un euphémisme car il s’agit cette fois-ci d’un appel au viol) j’ai hésité à différer mais en fait non, car ce serait en quelque sorte une victoire de ce collègue. Cette escalade de propos violents et sans tabou, qui plus est de la part de profs, est quand même quelque chose de très préoccupant…

Édit du 18/06/2017 : 
– Fort heureusement, il n’y a eu aucun horrible incident dans les établissements à cause de l’usage de Périscope par les élèves à ce jour, c’est pourtant ce que me promettaient il y a un an ceux qui m’ont insultée. J’avais donc raison de ne pas vouloir rentrer dans la surenchère dramatique et de remettre les choses tranquillement à leur place. Contrairement à ce que certains ont voulu interpréter malhonnêtement, je n’ai jamais dit que filmer un prof, ou d’autres élèves d’ailleurs, et diffuser les images était anodin.
– L’initiatrice de #TaGueule2Vanssay a eu son compte Twitter suspendu quelques mois plus tard suite à une tentative de « compte parodique » contre moi qui, hélas pour elle, rentrait dans le cadre de l’usurpation d’identité. Elle a recréé un compte mais a perdu les 3/4 de ses followers. Sans cette erreur de sa part son compte aurait été suspendu par la CNIL qui a donné suite à ma plainte mais quand le compte avait déjà été fermé par Twitter.
– Concernant l’appel au viol évoqué en fin de billet, son auteur a fermé de lui-même son compte Twitter, la procédure judiciaire est en cours, c’est long mais je reste déterminée à la mener à son terme.
– Je vais bien et continue de m’exprimer comme je le souhaite sur Twitter et ailleurs, et je continue à appeler chacun à faire de même sans jamais plier devant les haters… NON, NOUS NE NOUS TAIRONS PAS !

Crédit photo : Shace

Pour voir les tweets dont il est question dans ce billet, ils sont rassemblés dans un pdf ici.

Pour en savoir plus sur le tweet d’appel au viol reçu, la plainte déposée, le harcèlement qui continue, la procédure et le jugement… j’en parle ici et .