Diane se sert des trolls
Diane est active sur Twitter, son compte est très suivi, par plusieurs dizaines de milliers de followers, elle milite pour différentes causes : féministe, LGBT+, lutte contre l’extrême droite… Elle ne souhaite pas ici révéler son identité pour ne pas armer contre elle les trolls qui s’en prennent très régulièrement à son compte.
En résumé ma « gestion des trolls » est précisément de ne pas les gérer en tant que tels : je m’en sers pour autre chose parce que je trouve qu’en soi ça ne sert à rien (on n’éduque personne, on ne convainc personne dans ce type d’interactions, on ne renverse l’avis de personne). Par contre les faire tourner en bourrique pour divertir mes lecteurs a un certain charme… Il y a un élément important auquel il faut faire attention, et qui dépend de la maturité qu’on a sur ce type de réseaux, c’est le syndrome du « je veux avoir le dernier mot » ou bien « on me regarde, je ne peux pas me permettre de laisser le beau rôle à tel troll ».
Selon le degré de nocivité ou d’intrusion, je mets en sourdine ou je bloque les importuns. Si j’estime que ça peut en valoir le coup, je fais quelques réponses minimales sans m’éterniser car ayant beaucoup d’abonnés ça met tout de suite un coup de loupe sur l’échange. Et dans un certain nombre de cas je prends le temps de jouer avec tel ou tel ou de l’afficher. Ceci peut être dans le but de susciter les signalements si le propos le mérite vraiment (surtout si c’est spécialement odieux, ou bien si c’est l’occasion éventuelle de faire sauter un compte qu’on voudrait bien voir disparaître). En d’autres occasions j’affiche un troll parce que ça va être l’occasion d’un bon mot et de divertir le public.
Une option pour jouer avec les trolls (mais qui correspond aussi à une façon de rebondir sur telle ou telle actu) est de faire semblant d’avoir compris autre chose que ce que la personne voulait dire, ou bien de recontextualiser à mon avantage. C’est assez déloyal mais efficace quand on peut compter sur un public complice qui comprend le décalage.
Autre stratégie, faire appel à mes abonnés. En général c’est mal d’envoyer une meute aux fesses de quelqu’un mais je m’y risque si je perçois quelqu’un de particulièrement malintentionné. Pour cela le nombre d’abonnés joue, quand j’en avais bien moins je ne procédais pas de cette façon.
Tenter de faire tourner en bourrique certains trolls, cela m’a toujours amusée, mais compter sur l’intervention de tiers demande un grand nombre d’abonnés.
Il y a aussi le personnage qu’on joue qui rentre en ligne de compte. Je ne vois pas Diane comme une « justicière » mais certains semblent lui accorder ce statut-là, alors parfois je m’amuse à faire ça même si j’en vois la totale futilité.
Dans tous les cas j’entre assez peu dans le vif du sujet ou dans des argumentations avec les gens, je m’en sors toujours par des formules rhétoriques, à nouveau parce que je considère que ça ne sert à rien, en tous cas pas avec de parfaits inconnus : on a autre chose à faire de son temps. Être d’une certaine façon inutilement à cheval sur les mots, les retourner, ou en rester à des formules permet d’engluer l’autre dans le langage.
Crédit image : Internet Archive Book Image – The lays of a lawyer – No restrictions
Retrouvez ce témoignage (page 144) et d’autres dans le manuel d’auto-défense #DompterLesTrolls