Le témoignage de Sophie, féministe à talons

Sophie Gourion est une féministe à talons, twitteuse, blogueuse et podcasteuse elle ne mâche pas ses mots et cela ne plaît pas à tout le monde…

À titre personnel, j’opère la distinction entre un troll et un harceleur. Le troll c’est celui qui pourrit le débat, qui est de mauvaise foi ou qui cherche la provocation pour faire réagir. Exemple, celui qui vient me dire que la place des femmes est à la cuisine quand je poste un article très sérieux sur la répartition des tâches ménagères. Celui-ci, je le laisse monologuer et je suis l’adage « Don’t feed the troll ». « Discuter avec un troll, c’est comme essayer de jouer aux échecs avec un pigeon. Tu as beau être très fort aux échecs, il arrive, renverse les pièces, chie sur l’échiquier et s’en va avec l’air supérieur comme s’il avait gagné ». Cette citation (dont je n’ai pas trouvé l’auteur) résume très bien selon moi l’inutilité d’échanger avec un troll.

Le harceleur, c’est celui qui répète ses insultes, souvent en meute, menace de mort ou de viol. Ici, on ne parle plus de liberté d’expression mais de délit. La première fois que j’ai été confrontée à ce genre de harcèlement c’est lorsque j’ai publié un article critique à l’égard des professeurs qui se moquaient de leurs élèves sur Twitter. En rallumant mon téléphone, j’ai été confrontée à une centaine d’insultes en tout genre, portant aussi bien sur mon physique que sur ce que j’avais écrit (merde, pétasse, morue, blogueuse sans talent). Toutes provenaient de profs.

Plus récemment, j’ai eu à affronter des harceleurs en meute après avoir lancé la campagne #balancetonforum (une opération visant à dénoncer le cyber-harcèlement organisé par certains membres du forum 18-25 du site jeuxvideo.com). Menaces de mort, de viol, tweets antisémites, insultes, tout y est passé. Cette fois-ci, mes mentions ont explosé. Pour ne pas craquer, j’ai filtré mes mentions, ce qui m’a permis de faire le ménage, ne voyant plus les tweets des personnes qui ne me suivaient pas. J’ai également bloqué les harceleurs et ceux qui les mentionnaient de manière positive.
Et puisqu’internet n’est pas une zone de non-droit, j’ai rassemblé les éléments pour éventuellement porter plainte. J’ai demandé à des proches de faire des copies d’écran des pires menaces et insultes (n’ayant le courage d’aller tout lire) et suis allée voir mon médecin pour qu’il constate mon état.

On dit souvent que le cyber-harcèlement n’est que virtuel alors que les conséquences sont bien réelles. Cette violence affecte la santé et la vie sociale des victimes, avec la même gravité que les autres formes de violences faites aux femmes. Un rapport du HCE a ainsi démontré que les violences subies par les femmes sur les réseaux sociaux sont massives. 73% des femmes déclarent en être victimes, et pour 18% d’entre-elles sous une forme grave. Ces violences visent un seul et même objectif : contrôler la place des femmes et les exclure de l’espace numérique.

Pour ma part, j’ai assez mal vécu la réaction de certains proches m’accusant d’imprudence ou de l’avoir indirectement cherché. Un phénomène bien connu, le victim-blaming, qui amène notamment à reprocher à une victime de viol sa jupe trop courte.

Il est donc nécessaire d’encore et toujours le répéter : une femme n’est jamais coupable des violences qu’elle subit. Le harcèlement n’est pas virtuel, il a des conséquences réelles. Internet n’est pas une zone de non-droit. Les menaces de mort ou de viol ne sont pas des opinions mais des délits.

Retrouvez ce témoignage (page 128) et d’autres dans le manuel d’auto-défense #DompterLesTrolls